Ce blog est issu d’un projet de traduction collective des œuvres du poète de langue anglaise, Sean Bonney (1969-2019), dont la cosmogonie personnelle s’illuminait d’un communisme qui est aussi le nôtre. Le collectif souhaitait publier une brochure réunissant ses traductions françaises du travail de Bonney, pour l’heure absent du paysage éditorial francophone. Le lancement de cette brochure, prévue pour le 25 mai de cette année, devait coïncider avec le 300e anniversaire de la dernière vague de peste bubonique à avoir frappé l’Europe, en l’occurrence en 1720 à Marseille, lieu de résidence de tous les membres du collectif. Ce lancement devrait lui aussi pâtir de la dernière peste respiratoire en date du capital, le Covid-19. Le blog servira donc de plateforme pour la publication des traductions, sans pour autant se substituer à la brochure : de nombreux textes paraissant sur le blog ne seront pas imprimés dans la brochure et, réciproquement, l’internet ne saurait se substituer à l’imprimé.
À l’inverse, le blog, affranchi des contraintes de la publication papier, obéira à ses propres règles immatérielles. À l’instar d’abandonedbuildings, le blog où Bonney a publié, en parallèle de ses livres, une large partie de ses écrits entre 2006 et 2019, milleseptcentvingt s’adonnera aux pratiques communistes éprouvées du plagiat, du collage et du refus canonique. Aussi ce projet se consacre-t-il moins au travail de Bonney, même s’il en reste indissociable, qu’il ne prolonge une certaine tradition poétique communiste au sein de laquelle Bonney s’inscrivait de toute son intransigeance. De nombreuses références revisitées par Bonney, contemporaines comme historiques, s’inscrivant dans cette même tradition, attendent encore d’être traduites en français ; elles pourront logiquement trouver leur place sur ce blog. De même, de nombreuses autres contributions à cette tradition restent encore à venir et on est en droit d’espérer que ce blog pourra contribuer à les forcer à se montrer “à la lumière crue du jour”.
Jeffrey Grunthaner : Il semble que ton militantisme ne renonce pas à des éléments comme l’occultisme. Le genre de choses qui ne prend pas aisément place dans un cadre classiquement marxiste, non ?
Sean Bonney : Il y a des traditions de pensée qui cherchent à servir un pouvoir. Et d’autres qui cherchent à libérer les individus de ce pouvoir. Parfois ces traditions se confondent. Et parfois elles ont leur utilité dans ces deux sens. Marx en incarne une. Hegel une autre. Les poètes sont tout autant concernés. Et je me considère comme un poète de cette tradition, cherchant à contribuer, avec mes maigres moyens, à l’émancipation humaine. Marx est une de ces grandes figures, mais il y a aussi ces personnages étranges comme Fourier, qui appartient aussi à cette tradition. Ou les dadaïstes ou ceux qui ont réalisé « Le Manège enchanté ».
extrait d’un entretien paru sur bombmagazine en décembre 2019.