Suite sur le gaz lacrymo

Pourquoi le gaz lacrymo

Les flics, n’étant ni humains ni animaux, ne rêvent pas. Ils s’en passent, ils ont le gaz lacrymo. N’espérez pas que je justifie ça. Je veux dire, vous savez aussi bien que moi que les flics ont accès au contenu de tous nos rêves. Et vous savez probablement aussi que le Westminster Group fournit une bonne partie du gaz lacrymo de la planète. Leur président non-exécutif, peu importe ce que c’est, appartient à la maison de, hum, Charles Windsor. Pour lui, le gaz lacrymo entretient probablement un lien ou un autre avec le Nuage d’Inconnaissance et, en un sens, il a plutôt raison. On atteint une compréhension très réelle de la nature des choses, visibles comme invisibles, quand on se retrouve avec le système sensoriel piraté et retourné contre soi par une dose non négligeable de gaz lacrymo. C’est l’anti-Rimbaud. L’absolu règlement et ordonnancement de tous les sens. Vraiment, essayez. La prochaine fois que ça se met à chauffer un peu, il suffit de sortir dans la rue et de foncer droit dans le plus gros nuage de gaz lacrymo que vous trouverez. Bang. Vision. Goût. Odorat. Et tous les autres. Tous devenus confusion, perte de la certitude géographique et, le plus important, douleur. Ne flippez pas. Au centre de cette douleur se trouve un point petit et silencieux d’Inconnaissance absolue. C’est cette Inconnaissance que les flics — et par extension Charles Windsor — appellent connaissance. Ils la veulent. Si besoin, ils ont des scalpels, mais le gaz lacrymo est plus propre. La raison pour laquelle ils la veulent n’est pas claire, mais n’importe quel épileptique ou voyant ou toxicomane pourrait vous dire ce qu’elle est. On la trouve chez Blake. Bordel, on la trouve sur la pochette de Metal Machine Music. Ce qu’elle signifie ? On s’en tape. Elle n’apporte aucune réponse. Qu’est-ce que Charles Windsor nous veut. Les flics ne nous diront pas ce qu’ils ne savent pas et ce qu’ils pensent que nous savons.

Notes ultérieures sur le gaz lacrymo

Pendant ce temps, des touristes se tiendront à bonne distance de tout nuage de gaz lacrymo qui pourrait surgir. Ça fait partie de ce qui les définit. Ils peuvent bien vouloir la trace de son odeur sur leurs vêtements, mais l’évitement de toute douleur reste le fait central de leur rêve collectif. Rien ne causera leur dispersion. Ils ont des cartes. Voici l’usine. Voici le musée. Voici l’enfer des astres. Ils s’adressent aux flics sans craindre la mort, mais sans cette crainte ils ne connaitront ni ne se rappelleront jamais rien. Le gaz lacrymo est la seule mnémotechnique qui compte. C’est un système de récitation un réseau d’os brisés. Mais les touristes ne veulent pas en entendre parler. Ils veulent plutôt prendre des photos de graffitis, les images morcelées qui les tourmentent dans leurs rêves. Ils ne se souviennent pas de leurs rêves. Ils ne savent pas que le souvenir est prémonition, que leurs noms sont des prémonitions de mort, sont les rêves cryptés de juges, de nécrologies et d’eau de pluie et de pourriture rose. Ils ne savent que ce que les flics leur ont dit de savoir. Refusez de leur indiquer le chemin. Refusez toutes les interprétations. Votre glande lacrymale éclatée n’est pas un symbole de leur désespoir.

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